La taxation du tabac influe-t-elle sur la décision d’arrêter de fumer : L’exemple du Sénégal et du Nigéria
Il est aujourd’hui prouvé que la consommation de tabac engendre des risques et des coûts sociaux, notamment en soins de santé. Parmi les multiples initiatives entreprises chaque année pour réduire le tabagisme, l’Organisation mondiale de la santé a élaboré une convention-cadre visant à aider les pays à mettre en œuvre une série de mesures de réduction de la consommation de tabac. Au nombre de celles-ci figure l’augmentation des taxes sur le tabac qui, dans plus de 80% des pays dans le monde, n’atteint pas son plus haut degré d’exécution. Aussi, plusieurs lacunes restent à combler dans la plupart des pays en ce qui concerne l’application de la mesure fiscale. C’est le cas des pays de la CEDEAO, où il est observé l’absence d’une utilisation de la taxation comme politique de lutte contre le tabac. L’efficacité des mesures de hausse des prix de cigarettes sur le comportement tabagique reste donc à prouver en Afrique de l’Ouest. Afin d’apprécier potentiellement cette efficacité, le CRES a effectué une recherche sur l’impact du prix du tabac sur la cessation de fumer au Sénégal et au Nigéria.
Pour ce faire, l’impact du prix de la cigarette sur la cessation de fumer a été mesuré, notamment à travers un pourcentage d’arrêt de la consommation. Des données telles que la durée de tabagisme, mais également celles de l’enquête mondiale sur le tabagisme chez les adultes (GATS) de 2012 et 2015 ont été utilisées respectivement pour le Nigéria et le Sénégal. L’enquête, représentative au niveau national, a été menée auprès des personnes âgées de 15 ans et plus vivant dans des ménages ordinaires, pour un échantillon de 432 fumeurs au Nigeria et 315 fumeurs au Sénégal.
L’analyse a mis en lumière un indéniable effet positif et significatif du prix du tabac sur la cessation de fumer au Nigéria. En revanche, aucune évidence n’a été trouvée quant à la relation entre le prix de la cigarette et la cessation de fumer au Sénégal. Plus précisément, les résultats de l’analyse ont indiqué pour le Nigéria, qu’une augmentation d’une unité du prix de la cigarette fait augmenter le pourcentage de chance de cesser le tabac d’environ 2%. Il est également apparu qu’il existe une relation positive et significative entre la probabilité de quitter le tabagisme et l’approbation par le fumeur d’une augmentation des taxes sur les produits du tabac. Enfin, l’étude a montré pour le Nigéria que 18% des fumeurs pourraient ne jamais cesser de fumer.
Pour le Sénégal, l’effet nul du prix de la cigarette sur l’arrêt du tabagisme pourrait s’expliquer par l’existence d’une offre très diversifiée de marques de cigarettes et donc de possibilités de substitution élevées entre les marques. La deuxième explication résiderait dans le fait qu’il existe un grand nombre de fumeurs ayant déjà une dépendance accrue au tabagisme. L’étude a également mis en évidence le fait qu’environ 33 % de fumeurs pourraient ne jamais cesser de fumer.
De manière globale, l’étude a montré que l’effet de l’augmentation du prix de la cigarette sur la cessation de fumer peut être spécifique à chaque pays de la CEDEAO, et que la variabilité des prix entre les marques de cigarettes peut offrir plus d’alternatives aux fumeurs Sénégalais. S’agissant du Nigéria, il existe des possibilités de réduction du taux de tabagisme à travers des mesures d’augmentation du coût d’acquisition du tabac.
A l’issu de cette étude, plusieurs recommandations ont été formulées. D’abord de tenir compte du faut qu’au Sénégal, il existe des possibilités de substitution élevées entre différentes marques de cigarettes. Ensuite, des mesures complémentaires thérapeutiques s’imposent dans les deux pays, dans le but de diminuer la durée du tabagisme, d’autant plus qu’une proportion non négligeable de fumeurs pourraient ne jamais cesser de fumer.
Pour finir, il convient de préciser que le manque d’évidence concernant l’effet du prix de la cigarette sur la cessation de fumer au Sénégal, n’implique pas nécessairement une exemption de mesures de taxation. Le gouvernement peut agir sur les prix et générer ainsi des recettes fiscales à des fins de mesures complémentaires thérapeutiques.