« Bâtir le développement » : L’impact des Think Tanks en question, à travers l’exemple du CRES.
A l’heure où l’Afrique aspire à s’extraire des liens du sous-développement, les initiatives se multiplient pour trouver les clés des réformes qui permettront au continent de combler plus de trois cents ans de retard sur la marche économique du monde. « Nous n’avons personne à rattraper » déclarent certains intellectuels, comme Felwine Sarr. Sans doute, ont-ils raison de vouloir nous extraire de cette course au développement dans laquelle, nous ne prenons pas hélas le temps de penser nos défis et nos problèmes en partant de nos réalités, mais en reprenant des modèles conçus ailleurs.
Au nombre de ces initiatives, on assiste, depuis quelques années, à l’éclosion de Think Tanks, modèles importés dans la forme mais qui, en tant que laboratoires d’idées et lieux d’échanges, se rapprochent d’autres modèles que nombre de traditions africaines avaient déjà expérimentés pendant des siècles.
Sous la contrainte des urgences et de l’actualité, les politiques savent qu’ils ne peuvent plus, seuls, penser et trouver des solutions efficaces et pérennes aux questions de développement. Pour ce faire, ils ont nécessairement besoin d’être accompagnés par les universitaires, afin de fonder leur action sur des évidences. C’est précisément pour répondre à ce besoin crucial que des universitaires sénégalais de renom ont, dès 2004, créé le Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES), dont l’objectif est de produire une recherche de qualité, au service du développement, de promouvoir une recherche quantitative susceptible d’outiller les décideurs politiques, les collectivités locales et les organisations de la société civile, dans la formulation et la mise en œuvre des politiques de développement social et économique, tant au niveau national, régional que continental. Penser les difficultés du Sénégal et de l’Afrique à partir de nos réalités et produire des preuves à partir de recherches de terrain, pour les mettre au service des gouvernants, voilà la démarche du CRES.
. Pour ce faire, le centre de recherche s’appuie sur une équipe de chercheurs qui a accumulé une grande expérience dans la conduite de programmes de recherche relatifs à la libéralisation commerciale, à l’intégration régionale, au secteur rural, à l’éducation, à la santé, à la pauvreté, à la croissance et à l’équité, à la concurrence, à la problématique de l’eau, aux biocarburants, aux TICs, à l’économie de l’information et de l’innovation, aux droits humains et aux droit des affaires. Ils sont impliqués non seulement dans l’élaboration des politiques de développement, mais aussi dans le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de celles-ci, au Sénégal et dans les autres pays d’Afrique.
En tant que laboratoire d’idées, le CRES ne saurait occulter l’examen de ses propres procédures, car il reste très attaché à son indépendance. C’est pourquoi il revisite constamment ses pratiques et ses thématiques de recherche, pour qu’elles soient conformes aux exigences du pays en matière de développement. Aussi, le CRES a-t-il accompagné le Gouvernement du Sénégal dans la mise en œuvre de nombreux programmes et projets, comme le Programme national d’investissement agricole (PNIA), le Programme National d’Investissement Agricole, de Sécurité Alimentaire et Nutritionnel (PNIASAN), le Projet d’Appui aux Politiques Agricoles (PAPA), le Plan Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF), Projet Education dans les banlieues de Dakar (PEBD), le Programme National de Développement Local (PNDL), le Plan d’Investissement Aquacole (PIA), le plan Retour Vers l’Agriculture (REVA), etc.
Les travaux du CRES dans la lutte antitabac ont abouti à l’adoption, en 2014, d’une loi sur le tabac au Sénégal et, en 2017, à l’adoption de deux directives régionales de la CEDEAO et de l’UEMOA sur la taxation du tabac en Afrique de l’Ouest. Avec le projet « Vivre avec l’eau », un projet de lutte contre les inondations conduit par le CRES, près d’un million de personnes de la banlieue de Dakar sont maintenant résilients aux inondations. Grâce au travail du CRES, l’Etat du Sénégal a signé avec les Nations Unis, l’ouverture de la seconde Université des Nations Unis en Afrique, après celle du Ghana.
Par ailleurs, le CRES accompagne la CONFEMEN dans la recherche de financement innovants pour l’éducation et travaille avec des pays africains sur la budgétisation sensible au genre, afin d’accompagner ces pays à intégrer la composante genre, dans la formulation des budgets. Le CRES a également travaillé sur le numérique en Afrique de l’Ouest, sur les questions monétaires, notamment, le franc CFA, sur l’impact des TIC, sur les questions de productivité et de croissance dans l’agriculture, sur la réglementation du marché des télécommunications, etc. A travers un projet financé par la fondation Bill and Melinda Gates, en faveur de l’assainissement autonome, il s’investit également pour que chacun puisse bénéficier d’un assainissement décent.
D’autre part, le Plan Sénégal Emergent (PSE) étant le cadre de référence de la politique de développement de l’Etat, le CRES s’investit dans l’accompagnement de sa mise en œuvre. Pour ce faire, le CRES est membre du comité scientifique du CIEA-III. En effet, le CRES mobilisera les autres think tanks sénégalais, des institutions membres du réseau de think tanks d’Afrique de l’Ouest (West African Think Tanks Network – WATTNet) et d’autres organisations de recherche sur les politiques de l’Afrique de l’ouest pour qu’ils prennent part à la CIEA-III et apportent une contribution scientifique de haut niveau.
Le CRES a été mandaté aux côtés de l’IPAR, pour organiser en janvier 2019, dans le dans le cadre de la Conférence Internationale sur l’Emergence de l’Afrique dont le thème central est « Emergence, secteur privé et inclusivité », une rencontre réunissant les autres Think Tanks sénégalais, des institutions membres du réseau de Think Tanks d’Afrique de l’Ouest (West African Think Tanks Network – WATTNet), d’autres organisations de recherche sur les politiques en Afrique de l’ouest, le secteur privé et le patronat.
Ces quelques exemples suffisent à mettre en évidence l’implication du CRES aux niveaux national, régional et continental, dans l’accompagnement des politiques, dans la formulation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques de développement. Conscient que le monde actuel est un réseau d’interdépendances dans lequel l’Afrique doit avoir un rôle à jouer, le CRES privilégie une approche collaborative et travaille avec des institutions aussi diverses que, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), OMS, la Banque mondiale, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), la CEDEAO, l’UEMOA, l’Initiative Think Tank (ITT), l’African Economic Research Consortium (AERC), l’African Portal, Framework Convention Alliance (FCA), l’Union Européenne (UE), Facebook Afrique, etc.
Au niveau national, le CRES collabore avec le Gouvernement du Sénégal (Ministères : Education, Agriculture, Santé, Fonction publique, Recherche scientifique, …), avec les agences et directions nationales (Direction de l’analyse de la prévision et de la statistique- DAPS, Agence nationale de la statistique et de la démographie –ANSD, avec le Secrétariat permanent de la Stratégie de croissance accélérée – SCA, …), avec les collectivités locales, avec ENDA, le Conseil des Organisations non Gouvernementales (CONGAD), la Ligue sénégalaise contre le tabac (LISTAB), la presse, etc.
C’est pourquoi, conscient de l’apport qui doit être le sien dans l’élaboration et la mise en œuvre de politique de développement, le CRES exerce son rôle de think tank, en accompagnant les décideurs au niveau local, régional et continental, en plus de son statut de centre de recherche de référence sur les questions économiques et sociales.
Papa Cheikh S. Sakho Jimbira